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Niourk - Stefan Wul

Après un mois d’abstinence scripturale, il était plus que temps que je reprenne le chemin de mon bureau et de mon clavier rose (oui, rose. Avec des papillons.).

Le roman dont je vais parler ce soir fait partie de ma vie depuis vingt ans. Plus de la moitié de ma vie que je le lis régulièrement, avec un plaisir renouvelé, que je découvre de nouveaux détails, que je ne l’en aime que davantage. C’est un livre que je mettrai dans les mains de mes enfants, voire même dans ceux des autres - à mes yeux, offrir un livre c’est un vrai challenge… *digression ON* : voir une de mes nièces apprécier des livres que j’avais choisis pour elle a été un des plus beaux cadeaux de ma vie de famille. Mathilde, si tu me lis, je t’aime. *digression OFF*

Ce roman, ce monument, c’est Niourk. Cocorico, son auteur Stefan Wul, est français, il a exercé comme dentiste, ce qui prouve qu’on peut être un authentique arracheur de dents et un romancier fabuleux. C’est grâce à sa femme qu’il s’est mis à l’écriture de science-fiction : elle s’est plainte d’un roman de ce genre qu’elle venait de lire, alors il a décidé de faire mieux. Je trouve ça superbe ! Il a donc publié 11 oeuvres d’anticipation en quelques années, avant une longue période de silence, à l’issue de laquelle il sortira sa dernière oeuvre, Noô. J’ai découvert ce dernier livre il y a quelques années, je l’ai beaucoup aimé mais Niourk reste celui qui m’a le plus marquée.

L’histoire prend place au XXVe siècle. La Terre a été ravagée par des catastrophes nucléaires au XXe siècle et a radicalement été modifiée. Les océans se sont asséchés et les humains ayant survécu ont régressé à un état primitif. Ils vivent organisés en tribus, établissent des campements plus ou moins pérennes dans des endroits suffisamment giboyeux pour vivre et dont le niveau de dangerosité reste acceptable. Ils font régulièrement face à des poulpes mutants qui ont bien profité des radiations nucléaires, pour devenir des saloperies radioactives à tentacules que je n’aimerais pas trop croiser pendant mon footing…

Dans ce cadre hostile, ce monde devenu terne et inhospitalier, on va suivre les pérégrinations d’une tribu d’humains menés par le Vieux, et qui traite en paria un enfant noir. La loi du plus fort règne : les faibles se nourrissent des restes laissés par les chasseurs, et l’enfant noir, des restes de ces restes. Le Vieux part régulièrement en expédition parler aux Dieux de l’ancienne cité (qui est en fait Santiago de Cuba), et il annonce qu’au retour de son prochain voyage, l’enfant noir devra mourir. Les jours passent, le Vieux ne revient pas et l’enfant décide, assez obscurément, de partir à sa recherche.

Difficile d’en dire plus sans dévoiler des parties majeures de l’histoire ! Lisez-le donc !

Wul a un style sans fioritures, qui laisse vraiment la part belle à ce qu’il met en scène. Ses descriptions permettent très facilement d’identifier les “gueules” de ses personnages, en adéquation avec leurs caractères. J’ai été stupéfaite d’apprendre qu’il écrivait ses histoires sans fil directeur, sans plan, sans même avoir forcément une idée de leur fin. L’enchaînement des chapitres de Niourk est fluide. Les sauts dans le temps sont très vite identifiés et ne cassent pas le rythme de l’histoire. Ca en fait un roman très accessible.

Ce qui est aussi vraiment intéressant, c’est qu’à travers un roman d’anticipation, Wul décrit deux évolutions possibles de l’espèce humaine. Le postulat de départ est que la perte de contrôle du nucléaire va conduire à des évolutions majeures des espèces qui seront en capacité de survivre. Concernant les humains, ils vont régresser. La face de la Terre va littéralement changer. Adapte-toi ou crève. Les aventures de l’enfant noir vont nous amener à faire connaissance avec une espèce néo-sapiens, née elle aussi des humains d’avant, les homo-superior. La rencontre des deux est marquante et constitue la dernière partie de l’histoire.

Avant cela, l’enfant va découvrir et explorer les vestiges d’une civilisation extrêmement moderne, robotisée, confortable, témoignant de la façon dont le mode de vie occidental s’est imposé absolument partout avant d’être décimé. Là où je trouve du génie, c’est que Wul nous fait partir de la tribu primitive, composée d’être frustes dont le principal souci est la survie, pour nous faire avancer, nous aussi, lecteurs, vers des confins moins rudes, puis vers ce qui pourrait être notre cadre de vie dans quelques décennies, et enfin vers du rêve éveillé. On a facilement de la tendresse pour l’enfant noir, parce qu’il est rejeté, qu’il choisit de suivre un autre chemin, et quel chemin !

Ça, c'est la jaquette de l'exemplaire que j'avais étant enfant !

Niourk est décrit comme un classique de la SF française et je ne serai pas la voix discordante sur ce sujet - contrairement à Gone Girl, où je me souviens de débats passionnés avec mes connaissances qui avaient adoré le film ou le livre. Niourk fait partie de mon panthéon à moi. J’ai aussi été bercée par le film Les maîtres du temps étant enfant, et c’est devenue adulte que j’ai appris qu’il s’agissait de l’adaptation de L’Orphelin de Perdide du même Stefan Wul. Pour moi il ne s’agit pas d’un hasard : les thèmes choisis par cet auteur me parlent, l’anticipation est un genre que j’apprécie beaucoup, la narration est très immersive… La découverte de Noô a été, à ce titre, un vrai délice. J’ai lu L’Orphelin de Perdide avec une tendresse sans bornes - oui, encore de la tendresse, mon côté Bisounours, à n’en point douter. Finalement, je me rends compte que je recommande les oeuvres de Stefan Wul en général, et Niourk en particulier. Ce livre m’a bercée, m’a fait rêver, et il fait partie de ces oeuvres qui m’ont donné envie d’écrire.

Je me rends compte que j’ai écrit cet article sans savoir comment j’allais le terminer, en sachant seulement que j’avais envie de transmettre ici mon immense affection pour Niourk, et vous donner l’envie de le lire, ou de le relire. C’est à mon humble niveau, un hommage que je rends à son génial auteur.

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